Commerces non essentiels : les bailleurs vont-ils devoir renoncer aux impayés du confinement ?
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Le 23 mars dernier, l’état d’urgence sanitaire était déclaré. Il était accompagné d’une ordonnance qui décrétait les fermetures administratives de tous les commerces considérés comme « non essentiels ». Cette ordonnance décrétait également que le défaut de paiement des loyers commerciaux ne pouvait pas être sanctionné. Une question restait en suspens : les bailleurs pouvaient-ils réclamer ou saisir les loyers alors que les commerces étaient fermés ?
Depuis cette déclaration, de nombreuses batailles judiciaires ont opposé les commerçants, les bailleurs et les assurances. L’objet de la bataille portait sur le paiement des loyers commerciaux d’une part et sur les pertes d’exploitation subies pendant le premier confinement d’autre part. Si au mois de septembre, le tribunal de commerce de Paris avait donné raison à cinq commerçants qui demandaient à leur assureur Axa de les indemniser face aux pertes d’exploitation subies, il n’en reste pas moins vrai que jusqu'à maintenant, aucun argument ne semblait pouvoir justifier la suspension des loyers.
Les commerçants ayant à leur disposition un vaste panel d’aides, parmi lesquelles figurait la possibilité d’obtenir un prêt garanti par l’Etat, les juges estimaient en effet que les bailleurs ne pouvaient être tenus responsables de l’inexécution du contrat. Les locataires devaient donc en théorie payer leur loyer même si les bailleurs n’avaient pas le droit de saisir auprès de la banque le montant des loyers sans autorisation du juge, comme ils en ont normalement le droit s’il existe un bail signé devant notaire. Une décision inattendue, prise ce mois-ci par le tribunal de Paris sur le paiement des loyers commerciaux pourrait constituer une jurisprudence d’envergure.
« Destruction de la chose louée »
Pour la première fois, le 20 janvier dernier, le tribunal judiciaire a approuvé la demande de mainlevée d’une saisie attribution des loyers du premier confinement. Le juge a suivi le raisonnement développé par le locataire, une enseigne hollandaise ayant 50 magasins en France. Avec habileté, cette enseigne, fermée administrativement du 16 mars au 11 mai 2020, n’a pas évoqué la force majeure, argument qui nécessite de la part du locataire de démontrer son impossibilité de payer. Le raisonnement de l’enseigne était simple mais judicieux : est-ce que le fait de ne pas pouvoir exploiter son commerce en raison des circonstances actuelles n’équivaut pas à la destruction de la chose louée ?
Le juge a approuvé ce raisonnement. Or, l’article 1722 du Code Civil est très clair : « Si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit. Si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation du bail ». Le juge a donc décidé que le locataire ne pouvait pas se voir réclamer le paiement de ses loyers durant la période du premier confinement.
1 140 points de vente laissés vacants depuis le début de la crise sanitaire
Ce jugement va-t-il inciter les bailleurs à baisser les loyers ? La conjecture devrait les y pousser. Selon Knight Frank France, les enseignes de prêt-à-porter (notamment Camaïeu, La Halle, André ou Célio), de restauration ou d’ameublement, soit en redressement ou en liquidation judiciaire, soit sous procédure de sauvegarde, ont laissé vacants 4 200 points de vente. 1 140 n’ont pas été repris depuis, les enseignes ne conservant que les meilleurs emplacements quand elles ne négocient pas des baux de plus courte durée.
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Credit: Aygin Kolaei for FashionUnited