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Comment Pinduoduo a métamorphosé le e-commerce chinois ?

Par Herve Dewintre

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Six ans. C’est en tout et pour tout le laps de temps (très bref) qu’il aura fallu à l’entreprise fondée par Colin Huang pour se faire une place de choix aux cotés des géants Alibaba, TMall et JD.com. Son secret : avoir su cibler les villes de niveau trois et quatre tout en conjuguant avec originalité e-commerce et réseaux sociaux, tout en exploitant avec habilité les possibilités du streaming en direct.

Ne vous fiez pas à l’allégresse primesautière qui au premier regard semble caractériser cette application de commerce électronique : Pinduoduo ((拼多多) n’est pas là pour jouer les plaisantins dans la cour des grands de la tech. Fondée en 2015 par Colin Huang, cette jeune société est désormais la plateforme électronique la plus utilisée en Chine. Les chiffres sont stupéfiants : moins de trois ans après son lancement, la plateforme pouvait s’enorgueillir d’attirer 195 millions d’utilisateurs actifs chaque mois. Fin 2020, ce nombre d’utilisateurs atteignait 788,4 millions : un chiffre communiqué par la société elle-même lors de la présentation de ses résultats trimestriels.

Certes le chiffre d’affaires annuel de cette jeune pousse n’atteint pas loin de là, celui d’Alibaba, mais il n’est pas ridicule en comparaison, ce qui est déjà beaucoup : 9,1 milliards de dollars pour Pinduoduo contre 72 milliards générés par Alibaba au cours de son dernier exercice fiscal. On retient surtout que cette nouvelle entreprise constitue désormais un acteur incontournable du shopping en ligne avec une croissante hors norme. « Nous avons transformé le commerce électronique et même la structure de l’Internet chinois » déclarait sans fausse modestie Colin Huang lors de la célébration du 5eme anniversaire de l’entreprise. Lauréat des Olympiades de maths, titulaire d'une licence en informatique de l'université du Zhejiang et d'un master en informatique de l'université du Wisconsin-Madison, ce jeune quadragenaire a travaillé chez Google avant de revenir en Chine pour créer, en 2007, un premier site d'e-commerce, Ouku, revendu trois ans plus tard. Il a ensuite fondé Leqi, site de marketing online, et enfin le studio de développement de jeux pour mobile Xinyoudi.

La croissance stupéfiante de Pinduoduo, qui au passage a permis à Colin Huang de devenir l’un des plus jeunes milliardaires de Chine - et la 10e personne la plus riche du pays avec 13,5 milliards de dollars d'actifs -, repose tout d’abord sur l’originalité de la plateforme. Davantage qu’un site de shopping, Pinduoduo est une application qui concilie achat et connexion sociale. Du e-commerce social rendu possible grâce à une option, très utilisée, d’achat groupé et de partage sur le réseau WeChat. Un format remarquablement adapté à une société sans numéraire qui utilise massivement le paiement mobile. Concrètement, le consommateur peut acheter un article plein tarif ou bénéficier d'une remise s'il invite d'autres personnes à participer à l'achat. Un exemple : plutôt que d’acheter un jean à 20 Yuan, une consommatrice peut en faire la promotion à une amie et se lier avec elle pour l’achat. Au final, chacune des deux femmes règlera son propre jean 16 Yuan à l’unité. Plus les acheteurs sont nombreux, plus les réductions sont importantes.

Autre ingrédient du succès : avoir ciblé, dès le départ, les habitants des villes de niveaux inférieurs. Les villes chinoises sont classées en cinq niveaux ou rangs (« tiers »). Bien que non officiel, ce système de « tiers » permet de donner un certain sens à la diversité du pays. Les villes de 1er rang sont Pékin, Shanghai, Guangzhou et Shenzhen. Elles sont les plus développées, tant économiquement qu’en termes de population et d’infrastructures. Viennent ensuite les villes de 2ème rang, composées de deux municipalités, Tianjin et Chongqing, et de 26 capitales provinciales. Le 3ème rang est quant à lui constitué de 249 villes. Le 4ème rassemble 368 villes.

La plupart des entreprises s’intéressent uniquement aux villes des deux premiers rangs. Plusieurs sociétés ont su cependant tirer pari de la hausse des revenus dans les villes de rang trois et quatre, d’autant plus que de nombreux millenials – de jeunes actifs éduqués avec une situation professionnelles stable et des salaires intéressants - sont revenus s’installer dans leur ville natale pour profiter du coût de la vie plus faible et plus qualitatif. Ces jeunes actifs sont prêts à payer pour le commerce en ligne, surtout quand il se teinte d’une connotation ludique et divertissante. Ce qui est le cas sur Pinduoduo : les utilisateurs naviguent généralement sur la plateforme sans avoir d’objectif d’achats particuliers en effectuant une promenade virtuelle dans un centre commercial aux allures de bric à brac, où un vêtement côtoie une cagette de légumes. Le shopping y est un jeu puisque le prix des achats diminue au fur et à mesure que l’utilisateur réussit à former un groupe. La diffusion de cette plateforme atteint 21,38 pour cent dans les villes de 3ème niveau et 35,34 pour cent dans les villes de 4ème niveau.

Pour lutter contre les soupçons de contrefacon : le streaming live

De là à intéresser les marques haut de gamme ? Oui, mais avec circonspection : on ne vendra pas le même produit de la même façon à Pékin ou à Kumming. D’autre part, les promotions trop offensives visant les villes de rang inferieurs risqueront de diluer le prestige de la marque. Burberry en a récemment fait les frais. Ça n’a pas empêché Louis Vuitton d’ouvrir des boutiques dans les villes de rang trois : Kunming, Shijiazhuang et Zhengzhou. Cela n’a pas empeché non plus les marques d’envergure de regarder de très près le phénomène Pinduoduo : Huawei et Apple ont lancé leurs magasins monomarques sur la plate-forme, renforçant ainsi la crédibilité de l'entreprise. Nestlé, Unilever, Swisse, Biostime, Gerber ont également manifesté leur interet.

Il faut dire que la plateforme, croissance oblige, s’intéresse désormais, aux villes de niveau un et deux. Pour cela, il lui faudra se débarrasser un peu de son image de hard discounter, mais aussi répondre aux critiques qui pointent du doigt la contrefaçon présente sur l’application. Pour pallier ces dernières critiques, la société a mis en place un outil de diffusion en direct appelé Duoduo Livestreaming destiné aux « partenaires » qui peuvent augmenter leurs ventes sur la plateforme. Pour être un streamer en direct, un utilisateur Pinduoduo doit subir un scan facial pour vérification d'identité, télécharger des copies de la carte d'identité et attendre deux jours pour l'approbation finale. Une utilisation intelligente du streaming qui permet aux vendeurs, s’ils le souhaitent, de faire visiter en live les usines ou de montrer l’origine d’un produit. En mai dernier, plus d'un million de consommateurs chinois ont ainsi regardé la diffusion en direct d’une vidéo live organisée par la plateforme qui mettait en scène la visite de ses six entrepôts douaniers, situés dans les zones de libre-échange, à travers le pays. Ludique et transparent.

Crédit photo : Pinduoduo

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