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Bilan consommation mode 2022 : le prix d’achat reste primordial dans un contexte inflationniste

Par Florence Julienne

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Bilan consommation mode 2022. IFM. Photo : F Julienne

L’observatoire de la mode de l’Institut Français de la Mode (IFM) a dressé le bilan de la consommation mode en 2022 sur un échantillon de distributeurs et consommateu(trice)s représentatif de la population française. Au menu : un marché poussif, freiné par l’inflation, pour lequel le prix reste l’arbitrage number one. Mais un marché masculin qui se réveille et des perspectives du côté de la seconde main.

L’étude menée par l’IFM porte sur un panel de distributeurs et une enquête auprès de 1200 consommateur(trices). La consommation de vêtements en France, soit 26 milliards d’euros, accuse un recul de 4,4 pour cent par rapport à 2019 (27,8 milliards), qui reste la seule année de référence fiable, eu égard à deux années, 2020 et 2021, bousculées par les confinements et fermetures des magasins dits « non essentiels ». Les CA sont en deçà de 4,4 pour cent par rapport à 2019.

Un marché de la mode 2022 drainé par la grande diffusion et les pure players

Bilan consommation mode 2022. IFM.

En 2022, seuls deux circuits de distribution ont connu une activité commerciale supérieure : les chaînes de grande diffusion, type Gemo ou Kiabi (+ 8,3 pour cent) et les VAD/pure players (+2,5 pour cent). 53 pour cent des entreprises interrogées dans le cadre de l’étude observent une progression du panier moyen, mais la fréquentation et le taux de transformation sont en net recul (respectivement – 47 pour cent et – 50 pour cent).

Le ecommerce (La Redoute, showroomprivé…) a évidemment subi un repli par rapport aux années Covid, pendant lesquelles les magasins physiques étaient fermés. Néanmoins, les ventes en ligne 2022 sont supérieures de 13 pour cent à celles de 2019, ce qui signifie qu’il y aurait du potentiel, dans le futur, pour les distributeurs qui n’ont pas encore fait le pas vers le digital. Au total, la part du ecommerce dans le chiffre d’affaires total représente 17,6 pour cent en 2022 contre 14,7 pour cent en 2019.

Le revenge shopping du secteur homme et le recul du marché de la chaussure

Bilan consommation mode 2022. IFM.

Néanmoins, le marché masculin se distingue avec une hausse de 11,3 pour cent. C’est la meilleure orientation de l’ensemble des marchés. 82 pour cent des entreprises signalent que les choix masculins se portent sur des articles plutôt basiques que mode, des vêtements casuals plutôt que formels, bien que certaines entreprises signalent « un marché de besoin, une volonté de rééquipement et une envie, un retour à l’habillé, plus urbain, après deux ans de Covid et de sportswear ». Une tendance que FashionUnited avait également relevée au sortir de la Fashion Week Hommes janvier 2023. 79 pour cent des entreprises pensent que la croissance des vêtements masculins est durable. À noter que 89 pour cent des ventes de vêtements masculins s’effectuent en magasin.

La chaussure, secteur observé grâce à un partenariat avec la Fédération des Enseignes de la Chaussure, accuse également un recul de 5,4 pour cent de son CA par rapport à 2019. Les volumes enregistrent une progression plus modérée que les valeurs, ce qui est avant tout le signe d’une augmentation des prix. L’impact de l’inflation sur les prix s’est manifesté de manière très nette sur l'activité chaussure.

L’inflation s’est installée en 2022 et va durer en 2023

Bilan consommation mode 2022. IFM.

Le bilan de l’année est un bilan difficile. La hausse des ventes de l'habillement (3,9 pour cent) est un « trompe-l'œil », puisqu’il faut la corriger par l’effet de la hausse des prix. Les prix des vêtements et accessoires de mode ont augmenté, en moyenne, de 6 pour cent entre 2021 et 2022, ce qui est beaucoup compte tenu du fait qu’entre 1993 et 2022, ils avaient subi une augmentation de seulement 9 pour cent. Autrement dit, il faut tenir compte de l’inflation pour tous les chiffres donnés en valeur.

84 pour cent des distributeurs interrogés indiquent avoir augmenté leurs prix. 40 pour cent déclarent les avoir augmentés de 5 à 10 pour cent. L’évolution moyenne pour 2023 est estimée entre 0 et 5 pour cent par 48 pour cent des distributeurs et entre 5 et 10 pour cent par 38 pour cent d’entre eux.

Le prix juste, élément déclencheur d’achat pour la classe moyenne

Bilan consommation mode 2022. IFM.

L’extrait de l’enquête conduite auprès des consommateurs en 2022 montre que le premier critère d’achats, tant pour les femmes que pour les hommes, est le prix. Parmi les consommateurs ayant acheté moins de vêtements que d’habitude en 2022, la raison principale évoquée est le budget. Ce recul est plus important chez les femmes que chez les hommes. Faut-il y voir les inégalités de rémunération des femmes ?

Cependant, « être sensible au prix ne signifie pas forcément que les clients achètent moins cher, mais qu’ils sont sensibles au rapport qualité prix » nuance Gildas Minvielle, directeur de l'observatoire économique. Ainsi, 33 pour cent des hommes mettent en avant la qualité.

On peut être déçu du caractère écologique et éthique qui arrive en dernier et représente, respectivement, 4 et 3 pour cent des motivations d’achat. CQVD : la perception de la mode doit changer pour que le prix, principal déterminant de la consommation de vêtements, évolue.

Perspectives 2023 : la seconde main et l’écoresponsabilité s’imposent

Bilan consommation mode 2022. IFM.

Le marché de la seconde main et l’écoresponsabilité font partie du socle du système de la mode en construction, comme l’avait montré notre article sur le Fashion Reboot, organisé par l’IFM, en décembre 2022. On estime le marché de la seconde main - vêtements, chaussures et maroquinerie - à six milliards d’euros (contre un milliard en 2018). À la question de savoir quelles actions les distributeurs mènent pour surfer sur ce marché, 38 pour cent déclarent vendre des vêtements d’occasion et 36 pour cent des articles upcyclés. À noter, un signal faible sur la location (9 pour cent).

Question écoresponsabilité, le tissu concentre beaucoup d’enjeux. 48 pour cent des distributeurs ont augmenté l’utilisation des matières écoresponsables labellisées ou amélioré leur sourcing en termes de traçabilité et recyclage. Les législations en cours accélèrent ce sujet qui va devenir incontournable.

Les prévisions pour 2023 vont dépendre de l’évolution du PIB, de la consommation, tous ménages et produits confondus, et bien sûr de l’inflation qui pèse sur le pouvoir d’achat et donne lieu à des arbitrages qui ne sont pas en faveur de la mode. Elles s’orientent sur trois scénarios de croissance : un optimiste (+ 3 pour cent), un médian (une stabilité du marché) et un positif (- 3 pour cent). Les paris sont ouverts : rendez-vous en 2024.

Consommation
Etude
IFM