Baromètre réglementaire : la mode low-cost sous haute surveillance en France
Le 3 novembre 2025, le ministre de l’Économie, Roland Lescure, a adressé un avertissement sans équivoque à la plateforme Shein. Si le leader de l’ultra-fast-fashion venait à proposer de nouveau des produits illicites – notamment des poupées à caractère pédopornographique – son accès au marché français pourrait être interdit.
Selon Euronews, cette déclaration marque une inflexion dans la politique de surveillance du e-commerce low-cost et souligne la volonté du gouvernement d’imposer un cadre plus strict aux acteurs internationaux opérant en France.
Une escalade dans l'offensive réglementaire
Shein est depuis plusieurs mois dans le viseur des autorités françaises et européennes. En 2024, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a infligé une amende record de 40 millions d’euros à la société Infinite Style E-commerce Ltd, qui commercialise la marque en France, pour pratiques commerciales trompeuses, selon le ministère de l’Économie.
Parallèlement, la Commission européenne a engagé une procédure d’information dans le cadre du Digital Services Act, afin de vérifier la conformité de la plateforme en matière de retrait des contenus et produits illégaux.
L’épisode de novembre confère désormais à l’État français un nouveau levier, celui d’une interdiction d’accès au marché national. Une mesure jusqu’ici rare dans le secteur du commerce en ligne, mais qui pourrait faire jurisprudence.
Un enjeu de conformité, mais aussi de compétitivité
Derrière la réaction politique, c’est tout un modèle économique qui se retrouve questionné. Le commerce low-cost importé, longtemps favorisé par sa compétitivité-prix, se heurte désormais à une exigence de conformité renforcée.
Les contrôles s’intensifient. Une lettre ouverte publiée en avril 2025 par la fédération EuroCommerce alertait déjà sur la dangerosité des produits issus de certaines plateformes asiatiques, dont 94 % seraient non conformes et 66 % dangereux.
Pour les marques opérant sur le marché français, cette évolution redéfinit les lignes de la compétitivité : la conformité, la traçabilité et la responsabilité deviennent des critères de différenciation aussi décisifs que le prix ou la rapidité d’exécution.
Vers un modèle de croissance sous contrainte réglementaire
Au-delà de la seule lutte contre les produits illicites, ce durcissement s’inscrit dans le cadre plus large de la loi AGEC, du futur passeport numérique produit et de la régulation européenne du commerce en ligne.
Les marques françaises et européennes doivent s’y préparer. L’enjeu n’est plus seulement de répondre aux obligations, mais de les anticiper pour en faire un atout stratégique. La conformité ne se réduit plus à une contrainte juridique, mais devient un pilier de réputation et de compétitivité.
L’heure de la différenciation
Pour les acteurs établis du textile et de la mode, cette offensive réglementaire ouvre une fenêtre d’opportunité. En prônant la transparence et la traçabilité, ils peuvent reprendre la main face à des plateformes qui misaient jusqu’ici sur la vitesse et le volume.
La question n’est plus de savoir qui vend le plus, mais qui vend le mieux – et dans le respect des règles. Les directions générales, juridiques et marketing devront travailler de concert pour valoriser la conformité comme un avantage concurrentiel, tout en sécurisant leur chaîne d’approvisionnement.
« Si ces comportements sont répétés, nous serons en droit, et je le demanderai, qu’on interdise l’accès de la plateforme Shein au marché français. » – Roland Lescure, ministre de l’Économie, Euronews, 3 novembre 2025
Cette affaire transcende le simple cas Shein. Elle consacre un changement de posture de la politique française : si la mode mondialisée peut conserver son impératif de vélocité, cette dernière est désormais subordonnée à l'exigence de stricte légalité. L'efficacité économique ne saurait céder le pas à l'impératif de conformité réglementaire.
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