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Baisse de Richemont : la fin d’une décennie dorée

Par Herve Dewintre

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Richemont, c’est le deuxième groupe de luxe au monde, juste derrière LVMH et (un peu) devant Kering. Un groupe Suisse relativement récent : il fut fondé en 1988 par la famille Rupert, originaire d’Afrique du Sud suite à la scission de leur empire bati notamment sur la vente de tabac. Un groupe de luxe historiquement construit autour de Cartier. La marque française d’horlogerie et de joaillerie reste aujourd’hui encore le fleuron du groupe. On dit qu’elle représente même la moitié de son chiffre d’affaires total et les deux tiers de ses résultats comptables.

Ce puissant groupe a deux particularités: d’une part, comme LVMH et Kering, il réunit un superbe portefeuille de marques de luxe. Et d’autre part, ces marques sont essentiellement des marques horlogères prestigieuses - IWC, Vacheron Constantin, Jaeger Lecoultre, Roger Dubuis, Baume & Mercier, Officine Panerai, A.Lange & Söhne - ou alors de joaillerie et d’horlogerie - comme Van Cleef & Arpels et Piaget. Il y a très peu de maisons de mode chez Richemont à part l’exemple notable que constitue la maison Chloé (et dans une moindre mesure la maison Alaïa), ou de pôle maroquinerie qui se résume chez Richemont à la maison Lancel. Le groupe a aussi un pied dans la vente en ligne avec le site Net à Porter.

Cette focalisation du groupe autour de l’horlogerie et de la joaillerie, qui fut une force lorsque l’Asie Pacifique était une terre de croissance exceptionnelle dans le domaine de la vente des montres et des bijoux, se révèle être aujourd’hui un handicap majeur. Le groupe genevois doit faire face avec une violence inédite à la crise qui frappe Hong Kong et à la baisse des ventes chinoises (baisse liée aux mesures anti-corruption en Chine, au désamour des touristes continentaux et à la force du dollar local, arrimé au dollar américain). Mais contrairement à LVMH ou à Kering, le groupe ne dispose pas de solutions de rechange dans la mode, les accessoires, le sport ou les spiritueux. Richemont réalise un tiers de son chiffre d’affaire en Asie Pacifique.

Face à cette crise, les solutions adoptées par le groupe furent drastiques. Richemont a supprimé 500 postes de travail en Suisse depuis le début de l’année 2015. 350 licenciements avaient été évoqués pour ce début d’année 2016. Finalement, Richard Lepeu, directeur général du groupe, a annoncé vendredi dernier à l’occasion de la publication des résultats annuels du groupe, que ce chiffre avait été ramené à 100, les autres suppressions d’emplois ayant été le résultat de départs ou de réorganisations internes. Pour relativiser cette vague de licenciements, le directeur général a néanmoins tenu à rappeler que le groupe avait créé plus de 2000 emplois en Suisse depuis 2010.

Richemont rachète son stock de montres

Les marques les plus touchées par la crise sont Cartier, Piaget et Vacheron Constantin. Van Cleef & Arpels par contre continue, sous la houlette de son PDG Nicolas Bos à enregistrer d’excellents résultats. Mais ce qui a permis au groupe d’afficher un bénéfice net de 2,33 milliards d’euros pour l’exercice écoulé, c’est le gain exceptionnel de 639 millions lié à la fusion de son site de vente Net-à-Porter et du spécialiste italien de la confection Yoox, en octobre 2015. Ce gain exceptionnel ne se renouvellera pas l’année prochaine. Tandis que la baisse des ventes de montres en Asie Pacifique continuera certainement, quant à elle, de perdurer.

Ces résultats et surtout, les perspectives du groupe - perspectives aux tonalités sombres il faut bien l’avouer - ont donc majoritairement déçus les analystes. Le début d’exercice (Richemont a une année décalée qui se termine en mars) est d’ores et déjà plus faible que ce que les traders craignaient initialement. En avril, premier mois de l’exercice 2016/2017, les ventes ont fléchi de 18 pour cent sur un an. Autre signe inquiétant, cette chute qui concerne toutes les régions : l’Asie, mais aussi le Japon, le Moyen Orient et, faut-il le préciser, l’Europe.

Globalement, cette baisse liée à la chute des exportations horlogères, touche bien évidemment tous les groupes de luxe, même si cette baisse se ressent de manière plus violente chez Richemont. Elle signe en somme la fin d’une décennie dorée pour toute l’industrie du luxe. Le magazine suisse Le Temps indique que les géants du secteur - Richemont, Swatch Group, LVMH, Hermès, Hugo Boss, Tiffany – avaient jusqu’à maintenant enregistré une croissance annuelle des ventes de 7,6 pour cent en moyenne ces dernières années. En 2015, elle n’était plus que de 2,9 pour cent, selon les calculs de la banque Vontobel.

Chaque groupe a activé son propre faisceau de mesure pour répondre à cette baisse. Celle prise par Richemont est exceptionnelle et disons le, brutale : elle consiste à racheter des montres aux détaillants un peu partout dans le monde : aux Etats Unis, au Royaume-Uni et bien évidemment à Hong Kong. Il s’agit ici de rééquilibrer le rapport entre le sell-out (c’est à dire les ventes aux détaillants du groupe) et le sell-in (ventes aux clients finaux). Ces rachats indiquent clairement que ce rapport était bien trop déséquilibré et que les montres achetées par les détaillants restaient en boutique. Ces montres rachetées seront renvoyées sur d’autres marchés quand elles ne seront pas purement et simplement démontées pour en récupérer la matière. Une mesure exceptionnelle qui atteste l’ampleur de la crise qui touche actuellement le secteur de l’horlogerie de luxe.

Photo: Cartier

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