Au procès des grossistes d'Aubervilliers, quatre membres d'une même famille condamnés
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Paris - A la barre, Bingwu Z., 38 ans, écoute l'énoncé de sa peine, prononcée jeudi par le tribunal de Paris dans l'affaire du blanchiment des grossistes d'Aubervilliers: trois ans de prison dont 18 mois avec sursis, "une épée de Damoclès au-dessus de votre tête", l'avertit la magistrate.
Le grossiste, cheveux coiffés en arrière, pull couleur crème et jean bleu slim, ne fera pas davantage de prison. Il a purgé la partie ferme de sa peine au cours de sa détention provisoire.
Dans cette affaire qui remonte au milieu des années 2010, 21 personnes ont été jugées en mars pour blanchiment en bande organisée et association de malfaiteurs. Deux ont été relaxées jeudi.
Les prévenus - pour beaucoup des grossistes de la communauté chinoise - étaient accusés d'avoir mis en place un système complexe pour "laver" les recettes provenant d'un trafic de résine de cannabis importée du Maroc.
La "plaque tournante" des opérations, selon les enquêteurs: les grossistes en textile d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), dont les sociétés d'import-export - essentiellement gérées par des ressortissants chinois - étaient réunies au sein du Centre international de commerce de gros France-Asie (Cifa).
Le "système de blanchiment a porté sur des sommes considérables", note en préambule de son jugement la présidente du tribunal, en écho aux très fortes amendes infligées à la plupart des prévenus reconnus coupables.
Dans le cadre de l'affaire, qui a inspiré une saison de la série à succès "Engrenages", les perquisitions ont permis la saisie de près de 600.000 euros en espèces, en partie dissimulés à l'intérieur de mannequins d'exposition.
Bingwu Z. a par exemple été condamné à 100.000 euros d'amende, dont 80% ont déjà été versés par "cautionnement".
"Vous n'allez pas en prison"
Dans la salle d'audience, la magistrate invite Bingwu Z. à s'asseoir tout près de la barre pour écouter l'énoncé de la peine infligée à sa femme et celles, traduites par une interprète, de ses parents. Tous trois sont condamnés à de la prison avec sursis et des amendes allant de 50.000 à 100.000 euros.
"Vous n'allez pas en prison", souligne la magistrate à la femme de Bingwu Z., rappelant là encore "l'épée de Damoclès" du sursis, qui s'étale sur cinq ans. Comme une invitation à rentrer dans le rang.
Leur société - l'une des huit entreprises jugées -, représentée par la mère, est également condamnée à 500.000 euros d'amende mais a été relaxée du chef de blanchiment de stupéfiants.
En revanche, la famille Z. peut récupérer le domicile familial qui avait été saisi provisoirement.
Dans cette affaire tentaculaire, beaucoup de prévenus de la communauté chinoise ont écopé d'une peine de prison avec sursis.
Seuls deux prévenus devront purger une peine sous le régime du bracelet électronique à domicile, dont Eliav S., 38 ans, qu'on appelle dans ce dossier un "affairiste" ou un intermédiaire.
A la barre en mars, ce Franco-Israélien avait donné de nombreux de détails sur les mécanismes de ce système. S'il a nié avoir eu connaissance de l'origine de l'argent, Eliav S. a en revanche reconnu les opérations de blanchiment qui gravitaient autour des grossistes d'Aubervilliers.
Il a été condamné à quatre ans de prison dont trois avec sursis, à une amende de 119.000 euros, qui correspond au "cautionnement" déjà payé et à une interdiction de gérer une société - peine infligée à d'autres prévenus - pendant 10 ans.
A la barre, fines lunettes sur les yeux, le trentenaire montre, interrogé par la présidente, qu'il a bien retenu les règles de la prison avec sursis, répétées maintes fois au cours du prononcé des peines.
Les peines les plus lourdes ont été infligées à deux transporteurs d'argent liquide marocains, accusés d'être en lien avec les trafiquants de drogue.
Mustapha R. a écopé de quatre ans de prison dont deux avec sursis et de 150.000 euros d'amende. El Houssain M.T. a été condamné à cinq ans de prison dont trois ans et demi avec sursis, ainsi qu'à 250.000 euros d'amende.
Tous les deux, absents au jugement, se sont vu signifier une interdiction de séjour sur le territoire français de dix ans.(AFP)