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Adieu Dim

Par Herve Dewintre

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Dim, ca veut dire Dimanche, ou plutôt “Les bas Dimanche”. Nous sommes en 1953, aux premières heures des Trente Glorieuses, miraculeuses décennies d’après-guerre où la France découvrait avec émerveillement le prêt-à-porter, s’enthousiasmait sans fausse pudeur pour la mini-jupe de Courrèges et s’appropriait sans tergiverser les premiers bas sans couture : une révolution due à l’ingénieur agronome Bernard Giberstein qui venait de créer sa société de tissage à Autun, une commune du département de Saone-et-Loire, grande ville d’histoire située aux portes du Morvan.

L’ingénieur eut une vision: il allait remplacer la soie par une singulière matière venue tout droit des Etats-Unis, le nylon. Un dépôt de brevet plus tard, la marque fut lancée tambours battants. En cinq années, le “bas Dimanche” s’accaparait déjà un quart du marché français du bas. Ce ne fut pas un succès, ce fut un triomphe régulièrement alimenté par de brillantes initiatives comme le bas à l’unité, les « trois bas par paire », les bas vendus en vrac, etc.

Avant de décéder en 1976, Bernard Giberstein prit soin de revendre son entreprise à un groupe français, à Bic plus précisément. Entretemps, sur les conseils du génial Marcel Bleustein-Blanchet, président et fondateur du groupe Publicis, qui a pris le label sous son aile, la marque se trouva un surnom, pêchu et dynamique : elle allait désormais se prénommer Dim. Les campagnes fraiches et sexy achevèrent de couronner la renommée désormais planétaire de la marque : en 1970, Dim était le deuxième fabricant mondial de collants, avec 65 pour cent de son chiffres d’affaires réalisé hors Europe.

Le groupe Bic entama une fructueuse période de diversification avec une deuxième ligne de soutien-gorge, des slips pour homme (en coton), des chaussettes, racheta la marque de collants Chesterfield, promeut le retour des bas à jarretières (contenant du Lycra), expérimenta l’élasthanne et réinventa le slip homme traditionnel au sein d’une véritable ligne de sous-vêtements pour hommes. Dim était au firmament de sa gloire.

La marque fut alors rachetée par une multinationale américaine, la Sarah Lee Corporation. Marque d’agro-alimentaire ultra-célèbre aux Etats-Unis, totalement inconnue en France. Ce fut le début d’une longue série de changements de propriétaires plus intéressés par la Finance que l’Industrie : la marque devint, en 2005, une filiale du fonds d’investissement américain Sun Capital Partners (via Dim Branded Apparel ou DBA Apparel) pour un montant de 270 millions d’euros avant d’être racheté, pour 400 millions d’euros par le groupe de textile américain Hanes Brands (HBI) bien connu pour ses tee-shirts Champions et Hanes. Nous sommes en juin 2014.

Entretemps, la créativité de la marque - qui resta dangereusement cantonnée à la grande distribution – s’émoussa et ne dissuada pas les françaises de se détourner des bas. Résultats, les ventes de Dim se sont effondrées de 150 millions de paires en 1995 à 60 millions aujourd'hui.

250 suppressions de postes chez DIM

Cette série de rachat et son florilège de restructurations successives ne se firent pas sans brusquerie pour les employés du groupe. De nombreux ateliers fermèrent en France. Et si une bonne partie des collants et des bas Dim continua d’être fabriquée à Autun, au sein de la seule usine Dim restant en France, le reste de la production fut transféré en Roumanie. Le nombre d’employés diminua inexorablement. L’usine comptait un millier d’employé en 2012, soit moitié moins qu’au début des années 80. Ils étaient 850 l’année dernière.

En avril 2015, HBI annonça un nouveau plan social touchant l’Europe. 600 emplois furent menacés. Principalement des cadres et des techniciens. En France, selon les syndicats, le plan devait se traduire par la suppression de 265 postes rien que chez Dim. Aux dernières nouvelles, ce PSE devrait inclure 150 suppressions de postes sur le site historique d’Autun, soit treize départs volontaires anticipés, 71 départs volontaires, 63 reclassements en interne. Au siège social à Rueil-Malmaison, 88 postes sont concernés : onze départs anticipés, 51 départs volontaires et 16 reclassements en interne. Les départs volontaires, pour les deux sites, incluent au total 87 pré-retraites.

Un plan social de vaste ampleur donc, que Philippe Rouxel, directeur des ressources humaines, tient à temporiser : « On a bon espoir que ce PSE se traduise par zéro licenciement en France, dit-il. De plus, la particularité de ce PSE est qu’il s’accompagne aussi de 74 créations de poste, dont une cinquantaine à Autun ».

« c’est un trait tiré sur le passé, sur tout l’historique de l’entreprise »

Ultime rebondissement, la société Dim SAS va complètement effacer de sa mémoire ces trois lettres synonymes d’allégresse qui ponctuèrent son histoire en changeant purement et simplement de nom. La société a annoncé vendredi qu’elle allait être renommée Hanes France. Pour le délégué CFE-CGC Frédéric Besacier c’est "un trait tiré sur le passé, sur tout l'historique de l'entreprise"*. *"On sent une volonté de nous faire entrer dans un nouveau moule” fustige-t’il. Les salariés ne cachent pas leur amertume. En mai dernier, à l’annonce de ce nouveau plan social froid et méthodique, une vingtaine de croix de bois furent plantées à proximité du site d’Autun et une éloquente banderole sur laquelle se détachait en grosses lettres le message « Hanes massacre Dim » fut déployée près de la voie TGV Paris-Lyon.

Pour Philippe Rouxel, il s’agit bel et bien ici « d’une manière symbolique de tourner la page ». Mais de tourner la page à quoi ? Quoi qu’il en soit, le DRH ne précise pas la teneur ni le contenu du chapitre à venir. Le changement de raison social s’effectuera courant du premier semestre 2016.

DIM
Hanes
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