Adidas attendu au tournant par ses actionnaires avec une nouvelle stratégie
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L'allemand Adidas joue gros jeudi, avec la présentation d'une nouvelle stratégie à l'horizon 2020: il doit convaincre qu'il peut combler le fossé qui le sépare de Nike, face à des investisseurs impatients qui réclament la tête de son patron.
L'équipementier sportif, deuxième mondial, vient de boucler une année noire. Les contre-performances en Russie et dans le golf ont gâché le titre de champion du monde de football obtenu au Brésil par l'Allemagne et son sponsor aux trois bandes. En cours d'année, Adidas avait dû revoir trois fois ses objectifs à la baisse. Ces louvoiements ont endommagé la confiance de nombeux actionnaires, et Adidas a accusé en 2014 la plus grosse chute des trente poids lourds de la Bourse de Francfort (-38 pour cent).
En février, le fonds allemand Union Investment, un important actionnaire, a réclamé par voie de presse le départ de Herbert Hainer, aux commandes depuis 2001. "Nous sommes toujours très critiques sur la personne de M. Hainer", explique à l'AFP Thomas Deser, gérant chez Union Investment, "mais nous voulons lui laisser une chance de présenter sa stratégie". Ce sera chose faite jeudi à Herzogenaurach, fief bavarois de la société. "On ne peut se satisfaire ni du parcours de l'action, ni de la performance du management", renchérit Stefan-Günther Bauknecht, gérant chez Deutsche Bank Wealth & Asset Management, un autre actionnaire. L'actionnariat d'Adidas est très fragmenté, mais impossible d'ignorer la grogne. "Les plus gros actionnaires d'Adidas sont anglo-saxons et possèdent aussi des titres Nike en portefeuille. Ils voient l'écart qui se creuse entre les deux grands mondiaux", observe Cédric Rossi, un analyste du courtier Bryan Garnier.
Même en Europe de l'Ouest, la croissance des ventes de l'américain est désormais plus rapide que celle de l'allemand.
Rebondir aux Etats-Unis
M. Hainer assure qu'il restera jusqu'à la fin de son mandat prévue en mars 2017, mais Adidas a dévoilé que la recherche de son successeur avait officiellement commencé.
Un départ anticipé du patron le plus endurant du Dax constitue "l'espoir numéro un" des actionnaires, note M. Bauknecht. Pourtant, "infliger un carton rouge à Hainer serait exagéré", estime-t-il. L'ancien footballeur amateur a admis des "erreurs". Le repositionnement de Reebok, racheté en 2005, comme marque dédiée au fitness a été laborieux. La marque de golf TaylorMade a inondé le marché de produits au moment où ce sport prend un coup de vieux aux Etats-Unis. Mais la crise en Russie, un marché majeur pour Adidas, était difficile à prévoir. Et M. Hainer a juré d'effacer ces ratés. Les objectifs financiers de sa nouvelle stratégie ont déjà fuité. Adidas voudrait renforcer sa présence dans les mégalopoles mondiales, pour porter son chiffre d'affaires à 20 milliards d'euros (contre 14,5 milliards d'euros en 2014, et environ 25 milliards d'euros pour Nike) et sa marge d'exploitation à 10 pour cent (6,1 pour cent en 2014). Plus que les chiffres, "les Etats-Unis sont le coeur du débat", estime M. Bauknecht.
Adidas y est depuis toujours mis hors-jeu par Nike, et est dorénavant relégué en troisième position par un nouveau venu, Under Armour. Pour contre-attaquer, l'allemand veut sponsoriser 500 nouveaux athlètes dans des sports typiquement américains (basketball, football américain, baseball). Pour dégager des marges de manoeuvre financières et personnaliser son marketing, Adidas vient d'annoncer la fin de son contrat avec la fédération de basket NBA.
L'offensive américaine ne doit toutefois pas "laisser d'autres régions vulnérables aux attaques de Nike et d'autres", prévient Adrian Rott, un analyste de Deutsche Bank. Adidas est au coude-à-coude avec Nike en Chine, qui deviendra le premier marché mondial après 2025, rappelle-t-il.
L'allemand doit aussi rattraper ses concurrents sur des tendances majeures, selon lui: la femme, alors que Nike s'apprête déjà à ouvrir son troisième magasin réservé au public féminin; et le numérique, où Adidas est absent, pendant qu'Under Armour séduit les clients avec des applications sportives.(AFP)