A quand une traçabilité dans le secteur du textile?
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Transparence, blockchain, voire ADN en spray: face à un public de plus en plus curieux de la provenance et de la composition des biens qu'il consomme, des entreprises planchent sur l'amélioration de la traçabilité des vêtements ou matériaux textiles.
D'où vient le coton ou le lin composant votre dernier achat? Les réglementations européennes n'imposent pas cette mention sur l'étiquette, seulement celle la "composition en fibres". Et le fameux "made in" ne renseigne pas sur la provenance des matériaux.
"Le marché du textile consiste souvent à acheter des produits finis. Quand vous achetez un vêtement à votre confectionneur, vous n'avez pas toute la lisibilité sur les étapes précédentes", alors que la conception en compte souvent "entre 7 ou 12", de la production du coton à la teinture ou la filature, expose à l'AFP Josselin Vogel.
Sa plateforme ViJi compile des données de diverses sources pour permettre au consommateur de retracer l'histoire de son vêtement, avec un premier partenariat noué avec l'enseigne Gemo.
Vache folle
Pour M. Vogel, "le textile est un peu dans la situation de l'agroalimentaire au moment du scandale de la vache folle". Aujourd'hui, "on ne sait pas ce qu'on porte, comme à l'époque on ne savait pas ce qu'on avait dans notre assiette".
Dans le textile comme d'autres secteurs, les chaînes d'approvisionnement "se sont fragmentées en devenant extrêmement globalisées", "on perd de l'information d'une étape à l'autre et cela entraîne des dysfonctionnements": étiquetage insuffisant, utilisation de substances indésirables, matériaux issus de pays peu regardants sur les conditions de travail... énumère Matthieu Hug, directeur général de Tilkal.
Cette startup qui oeuvre notamment dans l'agroalimentaire propose d'y remédier avec un système basé sur une technologie à la mode, la blockchain: chaque acteur clé de la chaîne d'approvisionnement déclare son activité sur une base de données décentralisée et sécurisée, permettant une traçabilité "de bout en bout".
Cela permettrait par exemple de repérer au plus vite un grossiste indélicat qui se livrerait à la technique des "marchés gris, ou importations parallèles", avance Matthieu Hug, comme quand "un fabricant de costumes les envoie à un grossiste qui doit les écouler en Indonésie, mais va décider de les vendre - beaucoup plus cher - au Japon.
Majorité vertueuse
Et en cas de fausse déclaration? "L'énorme majorité des acteurs, notamment en Europe, sont plutôt vertueux", assure-t-il. "Leur problème, c'est qu'ils ont du mal a se différencier des quelques moutons noirs". Montrer patte blanche peut donc leur tenir lieu d'argument commercial.
Directrice générale et cofondatrice de l'entreprise suisse Haelixa, l'Italienne Michela Puddu a, elle, développé une solution qu'elle dit impossible à falsifier: de l'ADN enfermé dans des nano-sphères de 1/10.000 mm de diamètre, décrit comme très résilient . "On pulvérise des bio-marqueurs sur le produit, par exemple sur du coton directement là où il est produit", explique-t-elle à l'AFP. "Il est possible de le faire à chaque étape, par exemple sur les sites manufacturiers."
"A la fin, vous aurez le total des bio-marqueurs qui pourront vous donner une histoire du produit", poursuit-elle. La technologie est en outre applicable à tous types de biens, comme les pierres précieuses "pour retracer leur origine et exclure, par exemple, celles provenant de zones de conflit".
Mais les consommateurs sont-ils vraiment demandeurs? D'après une étude réalisée en début d'année par Kantar, "24 pour cent des personnes interrogées sont tout à fait d'accord avec le fait de regarder quasi systématiquement les matières qui composent un vêtement", expose Carine Dubois, une experte de ce cabinet. Et "un quart est tout à fait d'accord" pour privilégier le "Made in France".
C'est moins que pour les produits alimentaires, ce qu'elle explique par l'absence de scandale aussi retentissant que la fraude à la viande de cheval en 2013, et des produits moins critiques: les vêtements, "on ne fait que les porter sur soi". Le prix peut aussi être un frein: "se nourrir bio reste moins cher que se vêtir en bio."
"On a commencé par les préoccupations sanitaires, et on va passer sur les aspects davantage moraux, éthiques", assure pour sa part Josselin Vogel. Relevant que même pour le textile, "l'aspect sanitaire est aussi important, parce qu'il peut s'agir de produits portés à même la peau. Avec la question des perturbateurs endocriniens, il y a là aussi un enjeu de sécurité". (AFP)
Photo: Pexels