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Réglementation, data et harmonisation : Comment la mode s’attaque au greenwashing

Par Huw Hughes

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Greenwashing. Crédit : Dagmara Dombrovska, Unsplash.

L’intérêt croissant des consommateurs pour une mode plus respectueuse de l’environnement s’est accéléré ces dernières années, mais c’est malheureusement accompagné d’une hausse du greenwashing. De plus en plus nombreuses sont les entreprises qui partagent des informations vagues ou trompeuses en matière de développement durable. Mais que peut-on faire pour lutter contre ce phénomène aussi répandu que complexe ? La réglementation, l’harmonisation et la question délicate des allégations environnementales communiquées aux consommateurs étaient au cœur du Forum de l’OCDE sur le devoir de diligence dans le secteur du textile et de la chaussure. L’événement s’est tenu les 16 et 17 février 2023, à Paris.

«Nous devons envisager les allégations [environnementales] de manière très large », déclarait Kristin Komives, directrice des programmes de l'ISEAL, une organisation à but non lucratif basée au Royaume-Uni et qui s’engage à garantir la crédibilité des actions de durabilité menées sur le marché.

«Les allégations peuvent être des mots, des images, des contenus médiatiques », ajoutait-elle, précisant qu'elles s’appliquent aussi bien aux produits eux-mêmes, qu’aux investissements opérés dans les chaînes d'approvisionnement ou aux engagements en matière de développement durable. Les allégations environnementales sont omniprésentes, il en va donc de même pour le greenwashing.

Les régulateurs s’attaquent au greenwashing

Pour lutter contre l'ambiguïté du terme «durable » ou toute autre variante du mot comme « écologique », « vert » ou « respectueux de l'environnement », plusieurs organisations internationales consacrées à la protection des consommateurs commencent à condamner les allégations non fondées.

Tonje Drevland, chef du département de surveillance de la Norwegian Consumer Authority (NCA) a tenté de résumer la situation. « Tout le monde connaît le principe selon lequel il ne faut pas mentir. Et dans le droit du marketing, c'est ce qui s'applique », expliquait-elle, faisant référence au code de marketing de la Chambre de commerce internationale (CCI).

L'année dernière, la NCA adressait un avertissement à l'entreprise norvégienne de vêtements Norrøna ainsi qu'au géant suédois H&M au sujet d' « affirmations environnementales trompeuses ». Elle n’est pas la seule à mener cette lutte, la Competition and Markets Authority (CMA) s’en est également saisie. La CMA enquête actuellement sur les détaillants de mode Boohoo, Asos et Asda au sujet d'allégations « vertes » similaires. Elle a récemment conseillé aux gouvernements de modifier la législation relative à la protection des consommateurs, qui comprend plusieurs définitions du développement durable.

Jeremy Lardeau, membre de la Sustainable Apparel Coalition (SAC), a souligné l'importance d'une législation plus stricte. Il a affirmé qu’il ne fallait pas « compter sur la bonne volonté de quelques entreprises pour modifier complètement leurs modèles commerciaux », au risque de voir apparaître « de nouveaux acteurs commerciaux originaires d'autres pays envahir l'espace à la vitesse de l'éclair de la fast-fashion ».

«Je pense que nous devons aborder le problème à une échelle plus large que celui de la responsabilité des entreprises, car cela ne suffira pas », confiait-il. « Je pense que ce problème doit être traité au niveau politique ».

Les consommateurs ont besoin d’informations plus claires

Les participants du forum ont également souligné le manque d’informations claires communiquées aux consommateurs. Drevland précisait à ce sujet : « Si vous dites "denim plus durable", qu'est-ce que cela signifie ? En tant que consommateur, puis-je prendre une décision éclairée sur la base de cette affirmation ? Je dirais que non. Cela concerne-t-il les droits des travailleurs ? Cela concerne-t-il la localisation des chaînes de production du denim ? Il n'est pas possible de le dire à partir de l'allégation ».

À l’avenir, la pression sera si forte que les marques finiront par prouver leurs allégations environnementales à travers des documents officiels. Faute de quoi, elles risqueraient d’être confrontées à de graves conséquences, pouvant se traduire par des poursuites judiciaires, notamment si les allégations s’avèrent vagues ou fausses. Drevland prévient que l’ensemble du secteur « doit se préparer » à une forte répression. Il annonce par ailleurs que l'Union européenne et d'autres pays sont en train d'élaborer des lois plus strictes pour aider les autorités chargées de la protection des consommateurs à lutter contre le greenwashing.

La durabilité ne se résume pas qu’aux matières

Que peut-on faire pour lutter contre le greenwashing, en attendant qu’une nouvelle législation soit adoptée ? Drevland constate que l'un des plus gros problèmes liés au greenwashing réside dans le fait que les marques ne se concentrent que sur les matériaux. Pour justifier leurs efforts en matière de développement durable, les entreprises communiquent uniquement sur les qualités de leurs produits. Elle explique qu’ « il est difficile de savoir ce que le choix des matériaux signifie dans le cycle de vie total d’un produit », ajoutant que « personne ne le sait, pas même les experts dans ce domaine, alors comment le consommateur pourrait-il le savoir ».

La Sustainable Apparel Coalition est une organisation qui tente de déterminer si un produit ou une entreprise est durable. Pour cela, elle a développé en 2011 l’indice Higg, qui lui permet d’évaluer la durabilité des matières. L’outil mesure aussi l’impact social et environnemental des produits en s’intéressant à la quantité d’eau nécessaire à leur production, les émissions de carbone qu’ils génèrent et les conditions de travail dans lesquelles ils ont été réalisés.

Avant le lancement de l’indice Higg, Jeremy Lardeau explique que « les entreprises fonctionnaient en silos, créant leurs propres outils de mesure et d'évaluation de la durabilité, ce qui entraînait une redondance et une lassitude à l'égard des audits dans la chaîne d'approvisionnement ». L'indice offre désormais un moyen « nouveau et révolutionnaire » pour les entreprises qui peuvent « collaborer et mener une concurrence selon ces règles ».

La SAC soulève toutefois les difficultés qu’elle a pu rencontrer. L’année dernière, la NCA interdisait l’utilisation de l’indice Higg, jugeant que ses données ne constituaient pas une base suffisante pour justifier les allégations environnementales formulées par les entreprises. Tenant compte des critiques, La Sustainable Apparel Coalition tente régulièrement de mettre à jour son outil. Lardeau confie que l’enquête menée par la NCA a été « une énorme expérience d’apprentissage » et qu’elle a permis de soulever « de très bonnes questions auxquelles nous n’avons pas réellement répondu en tant qu’industrie et société spécialisée dans les données complexes liées au marketing, auprès des consommateurs et sur la manière dont nous pouvons les présenter de manière appropriée ». «Nous pensons que les outils de mesure ont un rôle à jouer parce que les faits et les données doivent pouvoir être comparés », mais que des efforts sont à fournir sur « l’harmonisation des revendications, interprétations et réglementations pour que les règles du jeu soient les mêmes pour tous », poursuit-il.

Le greenwashing des marques : des avantages à court terme et dommages à long terme

Plusieurs participants ont également fait remarquer qu'à long terme, le greenwashing sera plus nocif que bénéfique aux marques. George Harding-Rolls, directeur des campagnes chez Changing Markets Foundation, fondation néerlandaise à but non lucratif, a rappelé que «  tromper les consommateurs détruit la confiance » et que celle-ci peut « se briser en quelques secondes et mettre des années à se rétablir ». Harding-Rolls a attiré l'attention sur la prise de conscience des consommateurs, qui ne sont plus dupes. Ils sont de plus en plus nombreux à être capable d’identifier les fausses « collections conscientes » lancées par des marques de fast-fashion comme H&M.

«Si vous êtes une marque qui fait du greenwashing ou des déclarations non fondées, vous créez une situation commerciale déloyale à votre égard. Vous vous tirez en fait une balle dans le pied », soulignait-il. Des efforts doivent continuer d’être entrepris, notamment dans la mise en place d’ « une législation et une réglementation vraiment bien conçues », explique Hardings-Rolls, avant d’ajouter que la certification telle qu’elle existe « est un outil assez flou ».

Il est également revenu sur le « greenhushing », sujet qui émerge dans l’industrie depuis peu. Ce terme désigne les entreprises qui cachent certaines de leurs initiatives en matière de développement durable afin d’éviter les contrôles.

Tout en reconnaissant que la transparence autour des mesures environnementales est essentielle, il a aussi noté que le greenhushing peut être perçu comme une « étape importante dans la suppression du rideau de fumée » que représente le greenwashing. Son discours invite les marques à ne rien revendiquer, si elles n’ont pas de revendications.

Drevland (NCA) a lui aussi insisté sur le fait que les marques ne devraient pas faire de déclarations si elles sont incapables de les justifier. « Nous ne disons pas que les entreprises ne doivent pas travailler sur la durabilité. C'est la priorité numéro un », précisait-elle. « Mais il ne faut pas parler de durabilité tant que l'on n'a pas le contrôle de ses chaînes d'approvisionnement, des droits de l'homme et des droits du travail. Vous devez maîtriser ces questions avant de commencer à dire que votre produit est plus durable ».

Cet article a initialement été publié sur FashionUnited.com. Il a été traduit et édité en français par Aéris Fontaine.

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