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Les présentations de Haute joaillerie 2019 : l’art de capter l’attention des clients fortunés

Par Herve Dewintre

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Voyage à Prague, périple à Venise, virée en Thaïlande, escapade à Capri, le tout ponctué de ballet inédit, de gala exclusif, d’agapes mémorables orchestrés par les plus grands chefs, dans des hauts lieux de culture ou des paysages paradisiaques. Pour dévoiler leurs nouvelles collections de haute joaillerie, les grandes maisons initient des expériences sensorielles uniques à l’attention de leurs meilleurs clients. Ici, chaque pièce est “une valeur”: le prix? Sur demande. La confidentialité est la règle.

Van Cleef & Arpels a ouvert le bal cette année : mi-mars, la maison française a invité une soixantaine de couple de clients à venir découvrir « Treasure of Rubies » près des bords du fleuve Chao Pharya en Thaïlande. Ce n’est pas la première fois que le joaillier consacre une collection entière à une seule et même pierre. En 2002, la maison avait mis en lumière les diamants de couleur, en 2016, les émeraudes. Une pierre, une collection : l’exercice de style pourrait paraitre simple aux yeux d’un novice. Les collectionneurs connaissent sa difficulté. Soixante couples invités ? Le chiffre n’est pas du au hasard. Soixante pièces uniques étaient présentées. Les objectifs semblaient clairement définis. Les pièces ont toutes été vendues. Ce n’était pourtant qu’un avant-gout du rush à venir.

Car c’est au mois de juin que tout s’accélère. Voici pourquoi : traditionnellement, les collections de haute joaillerie sont présentées en même temps que les collections de haute couture, à Paris, durant la première semaine de juillet. On comprend facilement les raisons de cette concordance de calendrier. Cependant, une simple présentation ne suffit plus en ce qui concerne la haute joaillerie. Face à la multiplication des acteurs et des collections, il faut proposer autre chose : une expérience sensorielle afin de retenir et de séduire des clients sollicités de toute part. La bataille est feutrée, mais rude. Si les présentations de haute couture s’articulent autour d’un calendrier défini par une fédération, il n’est plus rare de voir des présentations de haute joaillerie se dérouler en même temps, le même jour, dans des pays différents.

Parmi les présentations les plus notables et les plus réussies figuraient l’événement Dior : la maison célébrait cette année les 20 ans de sa haute joaillerie conçue par Victoire de Castellane avec une collection d’anthologie, baptisée Gem Dior, composée d’environ 100 pièces : c’est de très loin, la plus grande collection de haute joaillerie jamais proposée par la Maison de l’Avenue Montaigne. Une ode à la beauté minérale des gemmes. Les diamants, les émeraudes, les saphirs multicolores, les spinelles, les tourmalines Paraïba, les grenats multicolores évoquent un enchevêtrement de cristaux de sucre. « je voulais reproduire l’aspect d’un brut » indique Victoire de Castellane qui prenait volontiers la pose aux cotés des invités de marque.

Au delà des pierres et du dessin : l’émotion d’une expérience inestimable

Pour présenter cette collection, Dior a organisé deux soirées d’anthologie à Venise. La première, pour des raisons évidentes, se déroulait au Palais Labia. C’est en effet ici qu’eut lieu le légendaire bal d’inauguration de Charles de Beistegui en 1951. Cette soirée avait confondu d’admiration Christian Dior. La seconde soirée se déroulait dans la salle supérieure de la Scuola Grande di San Rocco, haut lieu de la culture vénitienne. Imaginez deux longues tables éclairées aux bougies sous la lumière poignante des tableaux de Tintoret. Difficile, même pour les clients les plus exigeants, de ne pas ressentir le frisson sacré de la beauté. C’est l’une des premières justifications de ce genre d’évènement : entremêler par l’infini de l’enchantement, des correspondances artistiques entre les créations et les œuvres qui les environnement au moment de leur présentation.

Au même moment, Cartier (groupe Richemont) et Bulgari (groupe LVMH) s’installaient respectivement à Londres et à Capri. Deux ambiances pour deux collections très différentes portant chacune le sceau d’une signature reconnue et fort reconnaissable. La maison romaine convoquait, comme elle seule sait le faire, un florilège de stars pour faire vivre sa collection Cinemagia à Capri. Jean-Christophe Babin, pdg de la maison, acceuillait lui meme ses prestigieux invités qui ont assisté à un défilé suivi d’un diner préparé par le chef étoilé Lucas Fantin ; des agapes d’autant plus impressionnantes qu’elles prenaient place sous les arcades de l’ancienne chartreuse Saint Jacques, un monastère de moines chartreux sis sur l’ile bijou surplombant la mer. A Londres, Cartier orchestrait le choc des matières autour d’associations traditionnellement rare en haute joaillerie : l’union des pierres précieuses et des pierres dures ornementales. Une démonstration sans appel, développée au 180 The Strand », bâtiment emblématique de la capitale anglaise puis à l’hôtel de ville de Shoreditch.

Louis Vuitton, enfin, présentera durant la dernière semaine de juin la première collection de haute joaillerie conçue par la directrice artistique Francesca Amfitheatrof. La plus puissante maison de luxe du monde a visiblement tenu à faire savoir aux very very Vip qu’elle était désormais elle aussi, un acteur de premier plan dans la sphère ultra concurrentielle de la haute joaillerie. Au programme : un gala exclusif qui illuminera l’impressionnante salle Vladislav de l’Ancien Palais royal du château de Prague, salle célèbre pour sa prodigieuse voute gothique qui a inspiré Picasso. 150 invités triés sur le volet : des connaisseurs, des collectionneurs. Le menu est orchestré par Alain Passard. La collection, baptisée « Riders of the Knights » est inspirée des héroines médiévales. D’ou le choix du lieu puisqu’il s’agit du plus grand château ancien du monde. Un précipité d’Histoire et d’architecture : la Renaissance habsbourgeoise s’est épanouie dans ces lieux, la présence d’une élite y est attestée depuis la deuxième moitié du IXe siècle, les joyaux de la couronne de Bohême y sont conservés.

Signe incontestable de la puissance de la maison : c’est la première fois qu’un diner privé est organisé dans cette salle chère aux âmes slaves. Car, au delà de la manifestation matérielle d’un savoir faire, le but et la justification de ces événement est bel et bien de mettre sur pied une expérience unique, et plus précisément une expérience inestimable, qu’aucune fortune particulière ne pourrait raisonnablement s’offrir mais que seules peuvent se permettre de réaliser les géants du secteur. En résumé, si la signature d’une maison se caractérise par sa capacité à conjuguer pierres et dessins, son essence, son gout, son esprit – et commercialement parlant, sa marge - se manifestent plus que jamais dans son aptitude à développer un récit constellé de gemmes et de gloire, ou pour le dire plus simplement, à créer du souvenir et de l'émotion.

Crédit photo : cartier, dior, bulgari, dr

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